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Hélas plutôt satisfaits que ce moment ne dure pas la nuit…

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Ah qu’elle est délicate à manier, la sublime, la sensuelle, la délectable langue de Crébillon fils,  aussi fluide que sophistiquée, aux phrases interminables, aux imparfaits du subjonctif omniprésents, aux tournures aujourd’hui tombées en désuétude… Véritable joyau du XVIIIème siècle, “La Nuit et le Moment“ donne régulièrement du fil à retordre aux acteurs. On se souvient qu’il y a quatre ans le talentueux Nicolas Briançon lutta un peu mais s’en sortit avec les honneurs au Studio des Champs Elysées, en dépit d’une transposition contemporaine de l’intrigue n’aidant pas vraiment à mettre en valeur la prose de l’auteur, succédant à Francis Huster qui par deux fois (au Français dans les 70’s puis à Marigny au début des 90’s) nous permit d’en apprécier toute la beauté. Au Lucernaire pour l’été, le collectif Le Pack propose à son tour une version de ce libertinage drolatique, par ailleurs piquante réflexion sur l’amour. Maladroit, le résultat ne convainc guère. Dommage. Le pitch tient en trois lignes. A la tombée de la nuit, Clitandre se rend dans la chambre de Cidalise. Ses intentions sont claires. Son hôte ne semble pas s’y opposer. Désire cependant, avant toute chose, qu’on lui parle. Que celui qui la courtise lui dévoile ses conquêtes passées et lui conte ses virils exploits. Le jeu de séduction se déroulera au bord du lit, sur le lit, puis dans le lit… Situant l’action dans une intemporalité tournant autour du début du siècle dernier, où l’on s’éclaire à l’électricité, où l’on fume sur une couche en fer forgé et s’ébat sur le tapis de Mamie, où l’on porte kilt, corset et lunettes de soleil, Melissa Broutin (metteur en scène) peine à imposer une esthétique, un climat, à dessiner un écrin propice au raffinement du dialogue. Visuellement son tableau paraît confus, manque d’élégance. Grâce, aisance et virtuosité dictionnelle, volupté, ambiguité, nuance, intériorité, mystère, sous-texte, complicité font souvent défaut à ses interprètes, Marie-Alix Costé de Bagneaux et Thomas Durand (qui se donnent toutefois généreusement). L’un passe trop en force, criant beaucoup, l’autre s’égare fréquemment dans un registre inadapté, limite vaudevillesque. La fausse bonne idée consistant à s’adresser au public, du moins à le pointer du doigt et quasiment l’inviter dans l’alcôve, casse le principe et la force d’un huis-clos dont on cherche en vain l’érotisme latent (pourtant évident à la lecture). Une agressivité, une bestialité malhabile surgissant ici et là, devant probablement être plus contenue, moins démonstrative, ne sert pas davantage l’esprit de la partition. Enfin le détournement de certaines situations ou répliques n’apporte rien. Bref, on passe à côté. Tant pis tant pis… Photo : Alexandre Zeff

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