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Luc Bondy, grand directeur d’acteurs…

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Capture d’écran 2015-10-04 à 11.37.28
Il sera toujours possible de discuter de l’audace, de la singularité, ou de la portée des mises en scène de l’actuel directeur de l’Odéon. Par le passé, ses “Fausses Confidences“ nous enchantèrent ; sa vision de “Tartuffe“ nous laissa plus circonspects. Une certitude incontestable, et il conviendra de la clamer haut et fort, celui-ci maîtrise l’art d’emmener les artistes qu’il dirige au firmament de leurs capacités, sur des chemins parfois encore inexplorés. Pour preuve le travail effectué avec les membres de la distribution exceptionnelle réunie pour son “Ivanov“.  A commencer par Micha Lescot, l’un de ses interprètes fétiches, qui s’empare du rôle titre avec force et modernité. Marina Hands, Marcel Bozonnet, Christiane Cohendy, Ariel Garcia Valdès ou encore Chantal Neuwirth s’avèrent tout aussi remarquables (et surprenants !) à ses côtés.   Première oeuvre théâtrale d’Anton Tchekhov, rappelant par certains aspects l’“Oblomov“ de Gontcharov, presque annonciatrice de “Platonov“ (alors déjà écrit), la pièce nous est donnée dans la traduction vive, directe et très actuelle d’Antoine Vitez (Bondy a d’ailleurs décalé l’action de plusieurs décennies). Ivanov, propriétaire terrien mélancolique, dépressif, que plus aucune flamme de vie ne semble animer. Incapable d’agir. Des dettes qui s’accumulent. Des employés qu’il méprise. Une épouse malade qu’il n’aime plus. Une demeure, un foyer qu’il fuit chaque soir… Son errance douloureusement passive au coeur d’une société en état de délabrement avancé, désoeuvrée, cruelle (même antisémite) aura raison de lui. Et pour narrer la descente aux enfers de l’antihéros, trois heures vingt seront nécessaires à cette troupe hors du commun, évoluant au sein d’une scénographie aussi monumentale qu’épurée au niveau du mobilier (d’immenses panneaux en fer, verre ou béton peint structurent les espaces de la propriété d’Ivanov et des différents lieux de l’histoire). Fabuleux Micha Lescot, à la fois bouleversant et abject. Dans son mal-être intraitable, profondément rongé. Dans l’insupportable violence physique qu’il s’inflige à lui même (se frappant le crâne de rage). Dans la violence psychologique qu’il réserve aux autres, et notamment sa femme, allant jusqu’à l’insulter (il la traite de “sale juive“) et lui annoncer avec la virulence la plus absolue qu’elle va mourir.  Scène glaçante, d’une intensité rare, portée avec brio similaire par la déchirante Marina Hands, compagne aimante ayant tout supporté et tout tenté pour sauver son mari mais qui à cet instant crie stop. En médecin révulsé par le comportement d’Ivanov, Yannick Landrein affiche un jeu solide, percutant et convaincant. Très belle prestation. D’autres parviennent pour leur part à nous faire sourire, révélant formidablement  médiocrité ou tares de leurs personnages, à l’image de Christiane Cohendy qui se délecte (et nous réjouit) à jouer les pingres médisantes. Pas un qui ne défende au mieux sa partition. Luc Bondy signe une proposition quasiment irréprochable,  aux tableaux impeccablement réglés, et parvient intelligemment à faire résonner le propos Tchekhovien dans notre vingt et unième siècle. Cependant la magie n’opéra totalement, et une légère frustration nous saisit au sortir de la salle. La faute au script qui ne compte selon nous parmi les ouvrages les plus forts de Tchekhov ? La faute à l’esthétique de l’ensemble, un peu froide, un peu terne, loin des toiles de maître du grand Alain Françon qui nous transportent si loin, si extraordinairement à chaque fois qu’il visite l’auteur russe ? Peut-être… Mais enfin le spectacle est à avoir, assurément, car l’ouvrage reste admirable. Quelle équipe ! Jusqu’au 1er novembre. Ivanov – Anton Tchekhov / Luc Bondy – Odéon… par TheatreOdeon Photos : Thierry Depagne  

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